MadWorld sur Wii, le malentendu

MadWorldIl est toujours difficile de se débarrasser des préjugés dès lors qu’ils sont installés. Dans le cas de Nintendo, le préjugé le plus tenace pourrait se résumer en « Nintendo, c’est pour les enfants ». Et force est de constater que tous les adversaires de tonton Mario se sont toujours appuyés sur le côté familial de la firme pour la rabaisser et tenter de lui piquer quelques clients.

SEGA ouvre le bal au début des années 90 (Genesis does what Nintendon’t, ça vous dit quelque chose ?) et Sony enfonce le clou quelques années plus tard. Au début, Nintendo se moquait plus ou moins d’être relégué au rang de marchand de jouets pour enfants : le rayon jouets des supermarchés étant à l’époque la place naturelle des consoles (nos « amis » les pécéistes ne manqueront d’ailleurs pas de rappeler que eux n’ont jamais été infantilisés par les marketeux de tous poils…).

Tout changera avec la Playstation : les joueurs ont grandi, les jeux s’adaptent, le marché se développe. Mais Big N reste un peu à la traîne; hormis les enfants et quelques fanboys, le japonais se retrouve à jouer les seconds couteaux, snobé par les éditeurs tiers et ne pouvant compter que sur ses studios pour survivre. La N64 ne devra ainsi son salut qu’au talent de Miyamoto et consorts, ainsi qu’à quelques studios vassaux comme RARE. Le Game Cube ne fera guère mieux, se rattrapant avec quelques jeux multi-plateformes dont l’arrivée est due plus à un rapprochement des technologies entre les consoles qu’à un retour des gamers dans le giron de Nintendo.

Suite à ces deux contre-performance, et encouragé par les débuts fulgurants de la Wii, Nintendo est bien décidé à récupérer les vrais joueurs avec sa nouvelle console. Très vite cependant, il apparaît que la Wii attire les joueurs occasionnels et souffre du syndrome de la machine à raclette. Or, vendre des consoles c’est bien, vendre des jeux, c’est mieux. Et pour cela, il faut des joueurs réguliers et passionnés.MadWorld_LogoMais Nintendo n’est pas le seul a avoir souffert à l’aube de l’an 2000 : son vieux rival SEGA a du arrêter le hardware et essaie de se refaire une santé avec le software. Un rapprochement historique entre les frères ennemis se produit donc. Par ailleurs, la vieille gloire Capcom est également en difficulté en ce début de XXIème siècle; en particulier, un studio secondaire tout jeune – Clover Studio – vient de s’effondrer, son responsable – Atsushi Inaba – venant de déserter avec quelques collègues pour former un nouveau studio, Seed Inc., très vite renommé Platinum Games.

Un constructeur de consoles qui veut se débarrasser de son image de constructeur de jouets, un ex-géant du secteur en pleine reconversion et un groupe de développeurs à la recherche d’un projet phare : c’est de cette improbable rencontre que naîtra MadWorld, le malentendu de la Wii.

Sin CityPlatinum Games a probablement senti Nintendo prêt à accepter  tout projet à même de lui offrir un peu de visibilité en magasins et dans les médias : le studio propose donc un beat’em all (genre très discret sur la console blanche) gore au possible (rareté chez tonton Mario) et doté d’une identité visuelle marquante et unique, directement inspirée de Sin City, adaptation d’un comic qui vient de cartonner dans les salles obscures.

Édité par SEGA, MadWorld sort il y a bientôt six ans sur une Wii qui cherche son second souffle. Son identité graphique, sa violence compensée par une ambiance détendue du slip, ainsi que son scénario politiquement incorrect (une sorte de Running Man revisité) lui ont assuré une grande couverture dans les médias spécialisés, qui ne se lassent pas de lister toutes les exécutions du jeu, sur le thème « Oh mon dieu! Du sang chez Nintendo ! ».

Opportuniste, MadWorld l’est donc probablement. Attendu comme une sorte de messie du pauvre par les joueurs ne pouvant pas se permettre l’achat d’une PS3 ou d’une XBox 360, dont les tarifs demeurent prohibitifs, le soft se montre-t-il à la hauteur des espoirs placés en lui? En un mot : moyennement. Graphiquement, c’est une petite déception pour tous ceux qui jouent encore sur écran cathodique – et ils sont assez nombreux en cette année 2009 : au lieu du fort contraste noir sur blanc promis, ils se retrouvent avec un gris sur jaunâtre un peu décevant.

La promesse...
La promesse…
… et la réalité !

Le jeu lui-même est un beat’em all bien ficelé, mais non exempt de défauts et assez répétitif, une fois toutes les exécutions vues deux ou trois fois. Quelques séances en moto assez ratées viennent rappeler qu’il s’agit du premier jeu d’un jeune studio, et que le concept mériterait d’être amélioré avec une suite.

Seulement, de suite il n’y aura pas : les ventes sont loin d’être exceptionnelles, et le jeu n’atteindra pas le demi-million d’exemplaires sa première année. Ses ventes totales s’élèveront après plusieurs années à 750 000 unités, ce qui représente moins d’une copie pour 100 Wii. Un échec, pour un jeu ayant tellement fait le « buzz »…

En y jouant aujourd’hui, on se rend compte que le jeu – s’il demeure assez agréable – a vieilli et reste très ancré dans son époque. Et les trois acteurs de cette aventure? Nintendo n’arrivera jamais à sortir la Wii du placard de l’appareil à raclette, SEGA se concentrera sur une exploitation sans vergogne de ses vieilles gloires – Sonic en tête – et sur le talent de son studio The Creative Assembly, tandis que Platinum Games continuera son petit bonhomme de chemin avec des jeux à forte personnalité dont un autre beat’em all, j’ai nommé Bayonetta.

Et aujourd’hui ? Nintendo rencontre des difficultés pour vendre sa Wii U et a fait appel à Platinum Games pour ajouter à sa ludothèque un jeu marquant devant sortir la console du marasme ambiant : Bayonetta 2.  Le résultat semble cette fois plus encourageant, le soft ayant dépassé le demi-million rapidement, sur un parc de consoles bien moindre…

Bob Dupneu

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