BOB A LU PRESSE START

Je suis un lecteur fidèle de la presse vidéoludique française imprimée. Il m’est même arrivé de publier de mini revues de presse sur ce site, et j’achète tous les mois 2-3 magazines de jeux vidéo depuis une trentaine d’année. Autant dire que le sujet de « Presse Start » (paru aux éditions Omaké Books depuis un peu moins d’un an), à savoir l’histoire des magazines de jeux vidéo en France, m’a intéressé au plus haut point dès l’annonce de l’ouvrage. Comme toujours, j’ai un peu de retard sur l’actualité, mais j’ai eu envie de parler du bouquin malgré tout, tant sa lecture m’a enthousiasmé !

Co-écrit par Yves Breem et Boris Krywicki, « Presse Start » ambitionne de raconter – et d’analyser au passage – l’histoire de la presse vidéoludique française imprimée; la tâche peut paraître ardue, tant le nombre de magazines publiés depuis le vénérable TILT est important, et le domaine assez chaotique de prime abord. Malgré tout, l’ouvrage réussit à proposer au lecteur une analyse historique précise sans être incompréhensible, et exhaustive sans partir dans de longs développements hors-sujets. Il est évident malgré tout que le sujet en lui-même risque de laisser indifférent la jeune génération pour qui la presse papier n’existe pas vraiment, mais tout ludophile qui a validé son premier quart de siècle devrait s’attaquer aux (presque) 400 pages de ce voyage dans le temps. Pas de panique, le style est clair et c’est écrit gros (c’est que le public visé n’est plus tout jeune !).

Mon premier magazine.

En effet, les magazines de jeux vidéo ont longtemps constitué la seule source d’information pour les joueurs français, tout en étant une source de fantasmes et de rêves – notamment pour les jeunes joueurs sans-le-sou. Les magazines de jeux vidéo sont aussi à la base d’une sous-culture « gamers » qui perdure aujourd’hui : c’est bien elle qui a diffusé – et parfois créé – le vocabulaire propre à notre microcosme, en même temps qu’elle définissait un référentiel culturel commun.

« Presse Start » analyse cet apport des magazines vidéoludiques à l’industrie dans son ensemble, et montre comment journalistes spécialisés et éditeurs de jeu ont évolué ensemble, dans un équilibre sans cesse changeant. Outre les données chiffrées et les rappels économiques, les auteurs ont pu rassembler de nombreuses anecdotes d’acteurs connus du milieu, et surtout organiser et diviser en grandes périodes cette évolution.

Mon premier Joypad.

Globalement, et sans déflorer l’étude, trois grandes périodes sont ainsi décrites : les prémisses, l’ « Age d’Or » et l’après Internet. L’ensemble de l’ouvrage est intéressant, mais si, comme le vieux Bob, vous avez lu « Les Chroniques de Player One », la biographie d’AHL, quelques Pix ‘n Love ou encore les articles de Yves Breem sur mo5.com, la partie consacrée à l’ « Age d’Or » ne vous apprendra pas grand chose, tant cette période phare de la presse vidéoludique française, avec ses figures mythiques, a été racontée (et fanstasmée).

Les deux autres parties proposent beaucoup plus d’éléments « inédits » et permettent de comprendre les origines d’un phénomène au final assez franco-français, puis d’imaginer l’avenir possible de la presse vidéoludique imprimée. Quasiment toutes les revues éditées en France – même certaines qui n’ont eu qu’une durée de vie très limitée – sont évoquées, et le livre a même réussi l’exploit de citer un magazine dont je n’avais jamais entendu parler (en l’occurrence, « Addict magazine » qui ambitionnait semble-t-il au milieu des années 2000 de mélanger Consoles + et PlayBoy !).

Mon premier Consoles +.

La troisième partie demeure celle qui m’aura le plus apporté : traitant de la crise de la presse vidéoludique (avec pour ceux qui s’en rappellent l’explication détaillée du sinistre Future Press / Yellow Media / MER7), « Presse Start » ne fait pas l’impasse sur les vérités qui fâchent (les ludophiles nostalgiques comme moi ou – visiblement – les auteurs), à savoir les grandes difficultés de la presse papier (chute des volumes de diffusion et des salaires) à l’heure d’Internet. Les auteurs accordent également une grande place aux journalistes des différentes époques, montrant les différences importantes existant entre les générations qui se sont succédées. Cette réflexion autour des journalistes vidéoludiques, notamment actuels, permet d’ailleurs une ouverture bienvenue sur les avenirs possibles du secteur. Bienvenue, car j’avais un peu peur d’une conclusion pessimiste tant les différents chapitres ressemblent parfois à une rubrique nécrologique !

J’ai trouvé un peu dommage de ne pas développer un peu l’apparition des chaînes Game One et No Life, mais il s’agit sûrement d’un choix des auteurs de ne pas s’éparpiller. Cette volonté de rester focalisé sur le thème choisi est d’ailleurs sensible tout au long de l’ouvrage, les sujets un peu à la marge étant traités et vite évacués dans des paragraphes « FOCUS », ce qui évite de rendre la lecture indigeste. Même s’il est évident que les auteurs avaient matière à sortir un livre de 800 ou 1200 pages, l’effort de concision produit est sûrement bénéfique au final. Pour peu que le sujet intéresse vraiment le lecteur – et que ce dernier ai vécu au moins une partie de l’histoire racontée – le livre ne présente donc pas de défaut majeur à mon sens (à l’exception de quelques remarques à la limite de la mauvaise fois rapportées ci-après par Ze Killer, comme à la grande époque !).

Mon premier Gen 4.

Il y a cependant un axe qui n’a pas été traité par l’ouvrage et que je regrette, c’est celui de la politisation de la presse vidéoludique (dans son ensemble, pas uniquement la presse papier), qui me semble émerger depuis quelques années, en parallèle d’une sorte de politisation de l’industrie, notamment dans le domaine du jeu indé. Le GamerGate ou encore les difficultés rencontrées par William Audureau sont évoqués, mais plus pour mettre en avant les nouveaux défis liés à la gestion des communautés de joueurs à l’époque des rézosocios. L’ouvrage ayant été finalisé en Juin 2020, les auteurs ont pourtant été témoins en avril/mai d’un certain décalage d’appréciation entre la presse spécialisée et les communautés de joueurs à propos de The Last of Us II, œuvre très attendue mais qui a surpris par son vernis politique. Et même le GamerGate et les mésaventures de William Audureau, dont j’apprécie le travail, peuvent s’analyser sous cet angle. En Août 2019, l’auteur du Monde jouait d’ailleurs un jeu dangereux avec une critique assez orientée d’Astral Chain. Dangereux, car les réactions aux sujets politiques sont très souvent excessives et violentes, à ce point que William Audureau a quitté le monde de la presse vidéoludique, visiblement fatigué et amer. Quoiqu’il en soit, ces éléments semblent annoncer un mouvement de fond (dans l’actualité récente, la rédaction de JV a ainsi déclaré clairement son orientation politique dans le courrier des lecteurs du numéro de mars, ce qui est de mémoire de gamer une première pour un magazine spécialisé) qui risque d’avoir des répercussions sur l’avenir de la presse vidéoludique, papier ou non, et j’ai été un peu surpris que « Presse Start » n’en fasse absolument pas mention. Rien de dramatique cependant, et il s’agit d’un manque « à la marge » qui ne devrait pas vous dissuader de vous jeter sur l’ouvrage, qui je vous recommande très fortement !

Bob Dupneu

L’avis de Ze Killer

C’est de la grosse daube ce bouquin. Déjà pour un pavé à presque 25 brouzoufs, on est en droit d’attendre autre chose que du papier kraft pour les pages. Et une meilleure reliure, car le dos thermocollé ça craint et c’est pas solide ! C’était trop cher les agrafes ? Même en faisant imprimer par des bulgares ? En plus de ça, pas de couleur à part des couvertures pompées sur abandonware-magazines ! Super pratique le noir et blanc pour lire des graphiques basés sur un code couleur… De toute façon l’auteur est un vendu à la solde de Joypad ! La preuve ? La couverture affiche un gros « JOYPAD » immanquable alors que l’illustration Consoles + a été coupée volontairement pour faire disparaître le nom du magazine. Rien qu’en regardant la couverture, on sait donc qu’il vaut mieux reposer le bouquin et acheter la biographie d’AHL !

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