Street Fighter – Le film

Alors que le génial Super Street Fighter IV se voit adapté sur la récente 3DS, dans une version en tous points honorables, et que mes pouces souffrent sur les angles du D-Pad de la portable de Nintendo, j’ai eu envie de revenir sur un des plus beaux nanards de l’histoire du cinéma, le légendaire Street Fighter – Le Film

La machine à fric à rêves hollywoodienne a très vite senti que les jeux vidéos populaires pouvaient faire des films tout à fait rentables, tandis que les éditeurs n’ont jamais hésité à vendre à prix d’or les licences d’exploitation de leurs œuvres. Les plus grands noms du jeu vidéo y sont passés, de Mario à Silent Hill, en passant par Double Dragon, et il faut bien avouer que la qualité n’a que très rarement été au rendez-vous… La faute à des budgets amputés du fait de l’achat de la licence, du recours à des acteurs de seconde zone ou de réalisateurs ignares du monde vidéoludique? Un peu de tout ça…

Street Fighter semblait mieux parti que la moyenne : un réalisateur, Steven E. de Souza, à l’origine de Running Man et des deux premiers Die Hard, des acteurs reconnus, à commencer par Raul Julia dans le rôle de Bison, et une licence forte proposant des personnages hauts en couleur. Seulement voilà, le salaire du seul Van Damme représente à lui seul un cinquième du budget du film, tandis que si de Souza fait l’unanimité en tant que scénariste, il ne compte que deux petites réalisation à son actif avant de prendre les commandes du projet Street Fighter. Quant à sa connaissance du jeu vidéo… la légende veut qu’il ait découvert Street Fighter la veille de soumettre son projet de scénario, son fils se chargeant de le déniaiser…

Street Fighter le film devint donc ce qu’il ne pouvait éviter d’être : un navet… mais un navet de premier choix, un de ceux qui rentrent dans la légende et qu’il faut absolument avoir vu au moins une fois dans sa vie, ne serait-ce que pour le plaisir de voir Kylie Minogue et JCVD gesticuler sans une once de conviction dans de magnifiques uniformes des Nations Unies (enfin des Nations Alliées pour être précis, l’ONU ayant refusé de prendre part à cette blague hollywoodienne!).

Le scénario, introduit dès les premiers instants par la journaliste Chun Li accompagnée de son cameraman Balrog et de son technicien obèse et hawaïen Honda, tient plus de la parodie que du film d’action : le tyrannique et mégalo Bison projette de créer sa république bananière personnelle. Mais pour ce faire, il faut de l’argent : Bison enlève donc une poignée de travailleurs humanitaires qu’il promet de tuer si la communauté internationale ne lui verse pas un rançon de 10 milliards de dollars sous 72 heures que vient matérialiser un bon gros compte à rebours des familles… Oui, le scénario est en carton, mais ce n’est rien à côté de ce que de Souza fait subir aux personnages de Street Fighter : Dee Jay est informaticien, Dhalsim médecin, Sagat trafiquant d’armes et le duo Ken/Ryu un couple de voyous à la petite semaine, et tous ont en commun de revêtir des costumes dignes des pires cosplays

Globalement, les personnages ne ressemblent pas vraiment, tant au niveau de l’apparence que de la personnalité, à ceux du jeu. Mais ce qui frappe surtout, c’est de placer l’histoire dans un domaine totalement étranger aux arts martiaux et de faire reposer le tout sur Guile… Mais bon, le public américain préfère un ersatz de Gi Joe à un petit jaune karatéka! Le budget effets spéciaux et cascades semble lui aussi très limité : pas une seule boule de feu, pas une téléportation de Dhalsim… Tout au plus quelques envolées de Bison!

Malgré tout, le film est étrangement attachant; il est difficile de dire ce qui accroche : le côté kitsch, l’humour potache ou l’extrême indigence de l’ensemble? Les clichés américains, dont l’inévitable discours va-t-en-guerre du soldat Guile, côtoient cependant quelques réussites : le personnage de Vega et l’interprétation de Raul Julia notamment. Impossible par ailleurs de penser que le film se prend un seul instant au sérieux : le lustre en tibias humains de Bison ou la tête d’ahuri de Ryu plaident en faveur de l’argument qui veut que Street Fighter le film soit une parodie des vrais films d’action. Oh, et puis de toute façon, les jeux vidéos ne s’adressant qu’aux gamins, une adaptation cinématographique se doit d’être au moins aussi niaise et simpliste que les programmes Disney Channel!

Tout amateur de la série Street Fighter se doit de posséder le film de de Souza dans sa vidéothèque, à côté des animés, plus fidèles et réussis, issus de la licence… le film Street Fighter est à mon sens un monument de la sous-culture vidéoludique, telle qu’on la rencontrait souvent au début des années 90 : simpliste, cheap et kitsch, mais totalement divertissant. Il faut cependant avouer qu’en moins de 5 minutes Jackie Chan a fait au moins aussi bien, sinon mieux que Van Damme, dans son film Nicky Larson…

Il faut enfin noter que le film n’a pas paru être une offense suffisante aux petits gars de chez Capcom qui ont laissé Hollywood venir défier leur champion sur son propre domaine, celui des jeux de baston : le film Street Fighter dispose de son adaptation vidéoludique, la boucle est bouclée, pour le meilleur et pour le pire. Pour le pire surtout…

Bob Dupneu

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