Les ludophiles aguerris vous le diront : rien de plus dangereux qu’un jeu à licence. Une fois le coût de la licence réglé, il ne reste plus assez de pépettes pour assurer un bon jeu. L’adaptation sur Atari 2600 du film E.T. l’extraterrestre est souvent érigé en modèle historique de ce que l’alliance cinéma-jeux vidéo peu avoir de pire. Au point d’avoir fait naître une des légendes urbaines les plus tenaces de notre milieu : l’ensevelissement de millions de cartouches invendues dans un désert du Nouveau-Mexique, entre deux trafiquants de drogue…
Pendant plus de trente ans, cette histoire a fait fantasmer en même temps qu’elle incarnait le spectre de la Grande Crise des Jeux Vidéos ©. Aujourd’hui pourtant, l’Histoire avait rendez-vous avec la Légende : exhumées de leur tombeau de sable, des millions de cartouche E.T. viennent de faire leur entrer dans le XXIème siècle…
Et comme je suis un sale fainéant, je laisse la parole à Matt Smith de C.N.N. dont l’article sur cette découverte laisse la parole aux premiers intéressés…
L’article original est à cette adresse : http://edition.cnn.com/2014/04/27/tech/gaming-gadgets/atari-et-video-game/
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Des chercheurs mettent à jour un charnier d' »E.T. », le jeu vidéo qu’Atari voulait nous faire oublier
« E.T. » a peut-être cartonné en tant que film. Mais en tant que jeu vidéo, c’était une belle daube.
Quand le pionnier de l’électronique Atari précipita le développement d’un jeu basé sur le blockbuster Hollywoodien de 1982 pour sa console de salon – alors dominante sur le marché – ce fut un flop, aggravé par le fait que la jeune industrie vidéoludique traversait alors la première crise de son histoire.
Du coup, Atari enterra littéralement le projet, expédiant des chargements entiers de jeux invendus dans un site d’enfouissement du Nouveau-Mexique. Et, au milieu d’une décennie de désastres dans l’industrie du divertissement, symbolisés par le film « Heaven’s Gate » et Milli Vanilli, le jeu « E.T. » se transforma rapidement en légende urbaine.
« C’est le cas », dites-vous?
Pas vraiment. Et au cours du week-end, devant quelques centaines de badauds, des pelleteuses emmenées par l’équipe d’un film documentaire ont commencé à exhumer des piles de cartouches Atari vieilles de 30 ans, depuis un site d’enfouissement proche d’Alamogordo.
« La légende urbaine est vérifiée » a annoncé depuis le site des fouilles Larry Hryb, un des créateurs de la plateforme de jeu de Microsoft, la Xbox. Le studio Microsoft’s Xbox Entertainment est un des soutiens du documentaire programmé, provisoirement intitulé « Atari: Game Over ». Hryb a également twitté une photo de la première cartouche déterrée.
« Pas si vite » disait lundi l’historien d’Atari Curt Vendel. « Les cartouches d' »E.T. » ne représentaient qu’un parmi plus de 20 titres trouvés au cours du week-end, et ne devraient pas représenter plus d’un cinquième des 700 000 invendus dont on estime qu’un Atari en difficulté s’est débarrassé en 1983″, a-t-il ajouté. D’après lui, la grande affaire « E.T. » demeure « un mythe ».
« C’était un enfouissement d’invendus » a déclaré Vendel, co-auteur en 2002 d’un livre sur la firme. « Atari était attaqué de tous les côtés, entre un marché du jeu d’arcade saturé, la concurrence d’autres compagnies produisant des jeux pour sa fameuse console 2600 et d’importants retour de la part des détaillants – un problème que la société n’avait jamais rencontré et n’était pas préparée à gérer. »
« De mauvaises ventes, « E.T. » qui n’est pas un bon jeu – l’effet boule de neige se produit et ont en arrive à un Atari qui se débarrasse de cartouches das le désert » rajoute-t-il. « C’est de cette façon que toute cette espèce de mythe s’est auto-générée ».
Un de ceux présents sur le site d’enfouissement samedi était Howard Scott Warshaw, le game designer. Quand les pelleteuses ont commencé à mettre à jour les premières de probablement plusieurs centaines de milliers de copies de cet enfant illégitime « tout le monde est devenu dingue » d’après Warshaw.
« Je traîne cela, le jeu considéré comme le plus mauvais de tous les temps, depuis 30 ans maintenant » a-t-il dit « C’est un jeu qui a été fait en cinq semaines. Ce fut un développement très bref. J’ai fait de mon mieux, et ça me va ».
Mais voir les cartouches émerger de la poussière désertique a été un choc pour Warshaw, désormais psychothérapeute à la Silicon Valley.
« Quelque chose que j’ai fait il y a 32 ans continue à créer de la joie et de l’excitation chez les gens » a-t-il dit « C’est quelque chose de très satisfaisant pour moi désormais ».
L’Atari d’aujourd’hui, qui continue à vendre des jeux mais ne produit plus de plateforme propre, ne souhaitait pas faire de commentaire dimanche. La firme originale a disparu en 1984, et plusieurs sociétés ont successivement acheté le nom, d’après Vendel.
« E.T. » vu lancé précipitamment en magasin à temps pour Noël 1982, handicapé non seulement par un temps de développement court, mais également par un accord de licence et de royalties qui assurait au réalisateur du film, Steven Spielberg, 21 millions de dollars, affirme Vendel. La société avait besoin d’écouler les 5 millions de copies produites pour atteindre son seuil de rentabilité; il en avait vendu 3,5 millions à l’automne suivant.
Entre-temps, Atari s’était effondré. Le temps qu' »E.T. » se retrouve dans les bacs, un rapport annonçant de faibles et tardifs bénéfices effraya les investisseurs, « et tout le monde s’est mis à vendre en urgence » rapporte Vendel. A son apogée, la firme employait environ 11 000 personnes; elle perdit des employés par milliers en 1983 et n’en comptait plus qu’environ 900 au moment de sa fermeture.
« Ils ne pensait plus qu’à gratter les os » ajoute-t-il.
Du coup, en 1983, la société se débarrassait de 14 camions pleins de marchandises en provenance de son centre de d’El Paso au Texas, dans le site d’enfouissement d’Alamogordo, à environ 90 miles de là, dit Vendel. Afin d’éviter que des pillards ne les revendent, les cartouches furent recouvertes d’une couche de béton.
Aucune des cartouches « E.T. » déterrées au cours du week-end n’était utilisable, d’après Warshaw. Mais d’ajouter qu’il pourrait y avoir pas moins de 750 000 cartouches sur le site, dont de nombreux titres à succès en plus des jeux « E.T. ».
« C’était la fin du premier cycle de vie de ce type de produit, et personne ne savait vraiment ce qu’il faisait » a dit Warshaw. Désormais, les fabricants désignent leurs prochains systèmes alors que les nouveaux commencent à être expédiés en magasins.
« C’était une société vraiment farfelue, mais cela faisait partie des choses qui en faisait un lieu de travail incroyable » rajoute Warshaw, qui assume désormais cette infamie vidéoludique.
« Je ne crois pas qu’il s’agit réellement du pire jeu de l’histoire, mais j’aime vraiment quand les gens le désignent ainsi » a déclaré Warshaw à la CNN. Et vu qu’il a aussi conçu l’un des jeux Atari les mieux noté, « Yar’s Revenge », il affirme que « Je suis présent sur une gamme de qualité plus large que n’importe quel concepteur de l’histoire ».
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Il est tout de même intéressant de noter que cette découverte historique (dans notre tout petit microcosme ludique s’entend…) est directement financée par Microsoft, qui essaie ainsi de lancer un des nouveaux services de la Xbox One. Un américain qui a un peu raté le passage à la nouvelle génération qui utilise l’histoire d’un autre américain qui s’est planté, ça demeure savoureux. L’avenir nous dira si Microsoft saura utiliser cet exemple pour éviter les erreurs de son illustre prédécesseur 😀
Bob Dupneu