Petit bilan de la 7ème génération

Depuis plusieurs années, un hors-série « La Guerre des Consoles » de Consoles + était l’occasion de faire un peu le point sur le marché vidéoludique et ses évolutions probables. Malheureusement, la disparition du magazine a rendu ce rendez-vous estival obsolète, alors que cette année de transition entre les 7ème et 8ème générations de consoles laissait espérer un numéro vraiment intéressant. Qu’importe! Tonton Bob est là… pour vous proposer aujourd’hui un ersatz de « La Guerre des Consoles » prenant la forme d’un historique parfaitement subjectif de la génération passée!

Avec la 7ème génération de consoles, notre loisir est en effet définitivement rentré dans la cour des grands : un milliard de joueurs sur notre planète, 58% de la population française qui s’adonne au jeu vidéo (chiffres du Syndicat National du Jeu Vidéo), industrie plus rentable que le cinéma… Le jeu vidéo est passé, en quelques années seulement, du statut de loisir pour ados attardés (dans tous les sens du terme) à celui de divertissement de masse.

LE PHÉNOMÉNE NINTENDO DS

Petit retour en arrière pour tenter d’expliquer le phénomène. Tout commence fin 2004 avec la sortie de la Nintendo DS, à qui incombe la difficile tâche de succéder à la légendaire Game Boy (dans toutes ses itérations). Laide, dotée d’un écran tactile mal compris et mise en concurrence avec une PSP jouissant de l’aura Playstation, la DS semble vouée à l’échec.

Oui mais… la PSP ne propose que quelques portages de jeux PS2 tandis que la ludothèque de la DS accueille bientôt les fameux Exercices Cérébraux du Docteur Kawashima et Nintendogs. Le grand public est atteint, la machine est lancée, les hits de tonton Mario assurent les ventes (New Super Mario Bros, Pokemon, Mario Kart, …) : il n’en faut pas plus pour que les éditeurs tiers abandonnent la PSP et se ruent sur la DS.

Un succès qui se chiffre aujourd’hui à environ de 170 millions d’unités écoulées, soit la console la plus vendue de l’histoire. Rien que ça !

JOUEZ AVEC VOTRE CORPS

Nintendo a réussi a imposer une console technologiquement plus faible que sa rivale avec quelques idées biens senties : le moustachu de Kyoto se sent pousser des ailes et décide de défier Sony et Microsoft avec une console raillée lors de son annonce comme étant une Game Cube améliorée.

Fin 2006, Nintendo propose ainsi sa vision du jeu vidéo du futur, à savoir le Motion Gaming. Campagne de publicité massive, communication qui passe des gamers poilus aux petites étudiantes, Big N créé un phénomène de société dont ses deux rivaux ne comprendront que trop tard l’ampleur (ils tenteront d’ailleurs de rattraper le train en marche avec le Playstation Move et Kinect, mais sans succès).

Plus qu’aucune autre console avant elle, la Wii aura été réduite à ce qui est devenu une icône de la culture populaire : la Wiimote. Vanté dans les publicités – au point de faire passer les jeux au second plan – le périphérique n’a pourtant rien de révolutionnaire : reconnaissance de mouvement extrêmement peu précise, intérêt ludique limité, véritable gêne pour les « vrais » jeux… Même l’apparition de son appendice le Motion Plus ne parvient pas à faire oublier que la révolution de Nintendo est avant tout un beau coup marketing.

Reste quelques phénomènes qui marqueront à jamais l’histoire de notre loisir : écrans plats traversés par une Wii dépourvue de la dragonne (Nintendo développant en urgence une housse en silicone), Wii Elbow (Nintendo développant en urgence des messages d’avertissement) et Fitness en jeu vidéo (Nintendo développant en urgence – ou pas – Wii Fit).

Au final, la Wii s’écoule à plus de 130 millions d’exemplaires, ce qui en fait la deuxième console de salon la plus vendue de l’histoire (la première si on se limite aux consoles de salon Petite erreur de ma part; voir les commentaires. Il est à noter que certains chiffres placent la Wii à 100 millions, la plaçant derrière la PSX, donc en troisième position des consoles de la salon. Quoiqu’il en soit, la console a été un énorme succès). Et la montagne d’or de Nintendo de continuer à grandir…

La Wii ne manquera pas d’attirer quelques critiques justifiées : très faible taux de jeux par console, côté gadget de la Wiimote, ludothèque globalement décevante, etc. Le record n’en demeure pas moins valide.

L’OFFENSIVE VENAIT DE REDMOND

Depuis que le jeu vidéo est devenu bankable, Microsoft rêve d’y imposer sa vision d’un écosystème technologique unifié sous sa coupe. La Xbox a été à ce titre plus un test grandeur nature qu’une véritable console. Billou n’hésite d’ailleurs pas une seconde quand il devient nécessaire de trancher la gorge de sa création, après à peine 4 ans de vie : il est nécessaire de dégager le terrain pour la véritable offensive du géant de Redmond, et vital de dégainer avant Sony et Nintendo. Fin 2005, Microsoft sort donc la Xbox 360, qui a tout pour s’imposer.

Les premiers temps sont très encourageants, la console se vendant bien en Occident (mais pas au Japon, ce qui n’est guère surprenant pour une console qui ne vient pas de l’île…). Les très bons jeux se succèdent : Dead Rising, Lost Planet, Gears of War, PGR3… Des jeux gamers qui tâchent, mais très efficaces. Les fidèles de Sony en viennent même à passer à l’ennemi, lassés d’attendre la belle japonaise.

ORGUEIL ET PREJUGES NIPPONS

Il faut avouer que Sony multiplie les erreurs : prix de lancement aberrant (600€), line up honteux, arrogance affichée de ses dirigeants tant européens que japonais, sortie tardive – notamment en Europe, … Les débuts sont même catastrophiques, à l’image de la soirée de lancement française qui restera dans les annales.

Petit rappel concernant cette fameuse soirée de lancement : lorsque Sony lance la PS2, le nippon est en pleine gloire et les consoles s’arrachent, provoquant même des bagarres, dont celle des Champs Elysées restée célèbre. Lorsque vient le moment d’accoucher de la PS3, le vent a déjà tourné mais Sony fait preuve d’une arrogance sans faille. Une soirée de lancement est prévue, mais l’événement tourne au fiasco : les files d’attentes demeurent vides, les pigeons prêts à débourser 600€ pour s’offrir une console qui n’a aucun titre majeur à proposer se comptent sur les doigts de la main (littéralement !) et le James Bond qui devait être projeté se transforme en OSS 117… Clou du spectacle, Microsoft arme une péniche arborant une magnifique banderole XBOX 360 ♥ YOU. Un peu osé de la part d’un constructeur alors en proie à une épidémie de RROD ! Une soirée mémorable !

A un moment, l’écart creusé en un an par la Xbox 360 semble impossible à combler. Oui mais la Playstation 3 a plusieurs arguments à faire valoir : elle est le lecteur Blu-Ray le moins cher du marché, elle bénéficie du soutien des éditeurs tiers et de l’aura Playstation et, surtout, elle est beaucoup plus fiable que sa rivale, sur laquelle les RROD se multiplient !

BATAILLE AU COUTEAU POUR LA DEUXIEME PLACE

Sony comme Microsoft doivent vite se faire à l’idée que Nintendo, qui caracole en tête en sifflotant, est définitivement hors d’atteinte. C’est donc pour la médaille d’argent que le combat sera le plus rude.

Assez vite, Sony aligne son prix sur Microsoft, qui de son côté multiplie les versions de sa console pour mettre fin aux défaillances en série.

Les hits s’enchaînent sur les deux consoles, mais il s’agit le plus souvent de jeux multi-plateformes. Les contrats d’exclusivité se font et se défont tandis les annonces tapageuses se succèdent.

Bientôt, seules les exclusivités propres à chaque console sont à même de les départager. A ce petit jeu, Sony prend l’avantage, avec le studio Naughty Dog qui se révèle tandis que le mythique studio RARE acheté à prix d’or par Billou s’avère incapable de proposer quelque chose de probant sur la 360.

Finalement, après sept ans de lutte acharnée, Sony a rattrapé son retard initial et les deux consoles sont au coude à coude, avec une cinquantaine d’exemplaires écoulés de chaque côté, et des hits à ne plus savoir qu’en faire !

INDÉS ET DLC

Si un classement par catégorie était effectué pour cette génération de consoles, la palme de l’Internet reviendrait sans conteste à Microsoft. Dès le début, la firme ricaine a en effet fourni de considérables efforts pour que les joueurs prennent le pli de la console connectée. Le Xbox Live a été testé avec la Xbox, et il a explosé avec la 360. Pour assurer le succès de son système, tonton Crosoft a attiré à lui ce qui s’est révélé être une source d’inventivité et de fraîcheur : les éditeurs indépendants.

Certes, le jeu indé, qui n’est possible qu’à travers le téléchargement, existe depuis les origines sur les ordinateurs. Mais sur consoles, il s’agit d’une véritable révolution ! Des hits comme Braid, Super Meat Boy, Trials HD et j’en passe resteront longtemps dans les mémoires.

La console connectée n’a cependant pas que de bons côtés, et les joueurs de cette génération auront vu apparaître sur leurs consoles fétiches des tares que l’on pensait réservées aux ordinateurs : jeux inachevés sortis à la va-vite dans la « fenêtre de lancement » du service marketing et que les développeurs réparent ensuite à coup de rustines téléchargeables, jeux en kit dont les pièces détachées sont vendues (voire simplement débloquées…) quelques semaines seulement après la sortie en boîte, installation préalables de données de jeu sur la console… Jamais le monde des consoles et celui des ordinateurs n’aura été aussi proche.

MAMIE AUSSI PEUT JOUER

Comme souvent dans l’histoire des jeux vidéo, Nintendo a lancé une révolution, et les autres se sont jetés dans son sillage. Miyamoto lui-même expliquait à la sortie de la Wii que Big N avait pris un peu de recul afin de sortir la tête du guidon et se recentrer sur ce qui était traditionnellement son cœur de cible : les enfants et à travers eux la famille. Avec la Wii, mamie Paulette joue au tennis avec tonton Gaston juste avant que Kévina ne s’offre une partie de Mario avec maman…

(Pour comprendre le pourquoi du comment de cette illustration, allez ici…)

En 2006, le moustachu a déjà compris que les ados boutonneux des années 90 qui ont fait les beaux jours de la Super Nintendo et de la Playstation sont désormais les trentenaires qui prennent les commandes de la société : culturellement – plus encore qu’économiquement – le jeu vidéo est devenu fréquentable et peu devenir un loisir de masse.

Microsoft et Sony tenteront d’attraper le train en marche, mais un peu tard : d’autres ont déjà pris la place. Ils s’appellent Zynga ou Kobojo et sévissent sur le support de jeu le plus adopté au monde : Facebook. Car ce que Nintendo a inventé, ce n’est pas tant un nouveau moyen de contrôler les jeux qu’une nouvelle façon de les pratiquer. Le casual gaming est né, et il rapporte beaucoup d’argent, même si le phénomène semble s’essoufler ces derniers temps – la bulle étant appelée à éclater lorsque Facebook retombera dans l’oubli (MSN, si tu nous entends depuis ta tombe…).

En embuscade, un autre géant saisi la balle au bond et utilise intelligemment ce nouveau phénomène pour placer ce qui devient son produit phare : l’iPhone. Apple introduit même une nouvelle notion, reprise et développée par tous, à savoir le micropaiement et le Free to Play.

Le jeu vidéo semble arrivé à un point décisif de son histoire : entre les jeux AAA qui doivent s’écouler par millions pour être rentables, les jeux indés qui peuvent tout se permettre et les jeux sociaux calibrés pour pousser au micropaiement, les acteurs du marché doivent faire des choix. Ils doivent aussi choisir le mode de distribution de leurs créations : jeu en boîte, dématérialisé, free to play (et pay to win…) ou en location sur le cloud.

Une chose est sûre : il y a beaucoup d’argent qui circule, mais il n’y en aura pas assez pour tout le monde, THQ pourra en témoigner. Le secteur est devenu ultra-concurrentiel, mais est-ce vraiment une aubaine pour le consommateur ? Les industriels semblent toujours s’accorder pour traire la vache à lait. Plus que jamais, la 8ème génération s’annonce agitée !

Bob Dupneu

Par ailleurs

IG Mag, le mook qu’il est bien, s’est arrêté. J’ai décidé de ne pas faire un billet spécial sur le sujet, car après Joypad et Consoles +, ça finirait par faire rubrique nécrologique. La rédaction explique cet arrêt par la volonté de mettre un terme à l’aventure avant de perdre en qualité. Quatre ans, c’est court et long à la fois…

Bon, il est vrai que le magazine avait un peu de mal  se renouveler, avec quelques dossiers un un peu tirés par les cheveux sur la fin. Mais c’est dommage tout de même, car IG Mag proposait sa propre vision de notre microcosme, vision peut-être un peu trop austère, il est vrai… Mais qu’on n’aille pas encore me parler de la crise de la presse écrite : les kiosques proposent encore beaucoup de magazines divers et variés, qui se vendent. Le problème vient plutôt de l’incapacité des journalistes du milieu à se rendre assez séduisants pour pousser les joueurs à sortir leur porte-monnaie.

Bah, tant que Canard PC ne meurt pas…

2 comments

  1. Je tiens juste à corriger l’erreur monumentale de l’article. La console de salon la plus vendue de l’histoire est la PS2 avec ses 150 millions d’unités vendues !

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