Bob a joué à… Lollipop Chainsaw

Le jeu vidéo a toujours été incarné par quelques créateurs charismatiques, aimés et décriés – voir adorés et haïs – tout à la fois. Notre époque ne fait pas exception à la règle, et nous pouvons compter sur quelques « gueules » pour assurer l’animation, et la créativité, de notre loisir. Suda 51 (Suda Goichi… Il y a un jeu de mot pour ceux qui suivent) fait partie de ces créateurs remarquables.

A la tête de son studio Grasshopper Manufacture, le bonhomme propose depuis quelques années ses délires vidéoludiques, plus ou moins réussis, mais toujours pleins de caractère. C’est probablement avec No More Heroes que le grand public commence à connaître le sobriquet de ce créateur un peu barré. Beat’em all un peu trashouille et subversif, répétitif mais plein d’idées, No More Heroes est venu secouer en son temps la ludothèque bien terne de la Wii. Sans trop remettre en question ses acquis de gameplay, Suda 51 nous propose un autre délire (nous proposait : le jeu n’est déjà plus tout jeune, et Suda 51 est déjà passé à autre chose) avec Lollipop Chainsaw.

Bon, j’entends les aigris du fond qui marmonnent que le coup de la minette court vêtue qui découpe du zombie à la chaîne, ça a déjà été fait, ça s’appelait Onechanbara : Bikini Samurai Squad et c’était de la grosse daube. C’est vrai : graphismes immondes, gameplay insipide, animation rigide (à croire que l’aspect doucement porno du jeu se poursuivait jusqu’au balai planté dans le fondement de l’héroïne. Ami de la poésie, bonsoir…), il n’y avait rien à sauver… Moi je m’en fiche, je l’ai acheté en occasion à 3€. Mais le premier acheteur qui a raqué 70€ doit encore s’en mordre les doigts 😀

Autant le dire tout de suite : mis à part le pitch de départ, les deux jeux n’ont pas beaucoup de points communs. Lollipop Chainsaw propose en premier lieu un gameplay assez simple mais franchement jouissif : les enchaînements sont pêchus et bien gores, les attaques spéciales totalement délirantes (mentions spéciales à la pole dance meutrière et au canon à tête!), les combats contre les boss bien ficelés et quelques variations de gameplay viennent apporter un peu de diversité bienvenue (vous ne regarderez plus une moissonneuse-batteuse de la même façon…). Le jeu n’étant pas très long, ni difficile (deux points qui sont plutôt à ranger dans la catégorie « plus » pour un joueur comme moi, qui n’a plus trop de temps pour jouer), le système de jeu – par nature ultra-répétitif – n’a pas le temps de s’essouffler.

Un bon système de jeu suffit la plupart du temps à faire un bon jeu. Heureusement car, comme nombre de jeux japonais ces dernières années, Lollipop Chainsaw est un peu à la ramasse niveau technique pure. Mais ce que le studio n’a pas pu offrir en polygones et textures HD, il l’a compensé par une direction artistique maîtrisée et cohérente – une habitude avec Suda 51. L’ensemble est très coloré, ce qui est inhabituel pour un jeu avec des zombies, en témoigne la jaquette européenne qui a été assombrie pour bien indiquer au joueur occidental – plus enfermé dans ses stéréotypes que le joueur japonais – qu’il s’agit bien d’un jeu « dark ». L’ambiance musicale, faite de pop rock, rythme l’action à merveille et les protagonistes sont totalement décalés.

Lors de la création des personnages et de l’histoire, le studio a dû se rendre compte que les histoires de zombies sont toutes identiques et inintéressantes. Et le coup de la famille de chasseurs de zombies, ça fait réchauffé. Proposer comme héroïne une blondasse un peu greluche, c’était déjà un pas dans la bonne direction. Lui adjoindre comme compagnon une tête qui parle assez sarcastique, ça assurait des dialogues in-game dynamiques. Proposer des boss qui sont autant de caricatures de styles musicaux, c’était la touche finale qui assurait un bon divertissement. Et comme l’équipe de développement a saupoudré avec plein de bonnes idées, le jeu se parcourt finalement dans la bonne humeur et le délire permanent, entre clins d’œil (le lycée Romero, pour ne citer que le plus évident), répliques stupides mais hilarantes (« Punk Is Dead » ou « On se croirait dans un porno allemand » alors que le duo traverse une ferme pleine de bouses de vaches…) et environnement graphique travaillé (je pense notamment aux menus).

Le jeu a par ailleurs la bonne idée de ne pas surjouer son aspect racoleur. Légèrement érotique, l’héroïne est surtout attachante pour son caractère enjoué et naïf. Loin de n’être qu’un accessoire de mode accroché à la ceinture, son compagnon apporte au jeu un second degré bienvenu, qui donne finalement tout son intérêt à l’univers mis en place. On vient à Lollipop Chainsaw pour une promesse d’érotisme gore, on y reste car le jeu est une pilule anti-dépression, à l’énergie et la bonne humeur communicatives. Au final, les systèmes de jeu, de points, de classement, de tenues à collectionner… importent peu au regard de l’expérience qu’il offre. Loin d’être parfait (je hais notamment les séquences en QTE avec Nick. Mais c’est probablement car un de mes rêves est d’éventrer avec mes ongles l’inventeur du QTE…), le jeu est généreux et sait user de ses qualités pour charmer le joueur. Un divertissement de qualité, inutile donc indispensable.

Bob Dupneu

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