Bon, évidemment, j’avais également vu le film de 1993 (voir infra), mais c’était à une autre époque, quand j’étais jeune et que je mangeais des Weetos (archive) et autres gâteaux au nom bizarre (archive). Si le film de 1993 fait partie des légendes (honteuses ?) de la pop-culture, il faut bien avouer qu’il demeure assez éloigné du lore du royaume champignon, qui s’est bien développé au cours des 30 années qui séparent les deux films. L’univers du plombier est cependant une mine d’or pour les produits dérivés, et Nintendo aurait tort de se priver d’une telle manne; ainsi, après une expérience sur le marché des smartphones aussi courte que dispensable (alors que les médias s’excitaient tous seuls de l’arrivée de Nintendo sur ce marché en 2019 (archive), l’entreprise s’en est retirée dès 2020 (archive), laissant pour héritage des pépites intemporelles comme Super Mario Run ou Mario Kart Tour…) et l’ouverture de plusieurs Super Nintendo World dans les parcs à thème Universal Studios, la firme de Kyoto a décidé de retenter l’expérience cinématographique.
Comme souvent, c’est le plombier moustachu qui a été envoyé au charbon. Mais cette fois-ci, il semble que Nintendo ne s’est pas contenté de vendre une licence, puisque l’idée du projet serait née d’une attirance artistique de Shigeru Miyamoto pour le travail de Chris Meledandri (archive), fondateur du studio Illumination, devenu en à peine quinze ans un poids-lourd du film d’animation en image de synthèse (les Minions, ça vous parle ?). Une entente artistique avec un partenaire fiable, l’opportunité ne pouvait pas se rater; et les résultats ne se sont pas fait attendre, Super Mario Bros. le Film n’ayant pas tardé a dépasser le milliard de dollars de chiffre d’affaires, en éclatant plusieurs records sur son chemin. Ce qui, au passage, devrait rapporter quelques liquidités à Nintendo alors que les ventes de Switch ralentissent (archive), fin de cycle oblige.
Évidemment, impossible de passer à côté de ce phénomène culturel au printemps 2023. Mais au-delà des chiffres, que vaut Super Mario Bros. le Film (2023) (SOA mon ami !) pour un ludophile d’âge mûr (mais toujours fringant) comme Bob? Et apporte-t-il quelques chose au microcosme vidéoludique ou au 7ème art ? Autant mettre fin à un suspense insoutenable, la réponse est non ! Si le film est respectueux de l’univers du plombier, techniquement irréprochable et très agréable à voir en famille, il n’est au final qu’un produit dérivé parmi d’autres, de qualité certes, mais sans intérêt propre. Mais au fond, que demander de plus ? Les films issus de licences vidéoludiques ne brillent généralement pas par leur qualité, alors autant éviter de se la jouer snob (archive), et voyons ce qui est sympa dans SMBLF (acronyme mon ami !).
S’il n’est qu’un produit dérivé, le film n’en demeure pas moins respectueux de l’univers Nintendo, et distribue plein d’œufs de Pâques (archive) à destination des fans de la firme : un Pikmin par-ci, un Arwing par-là… Le début de l’histoire se passe dans le bar Punch-Out, à l’intérieur duquel vous trouverez une borne Jumpman et un tableau de chasse avec le chien de Duck Hunt. Même le père et l’oncle des frères Mario semblent inspirés de Talon et Ingo, père à qui Charles Martinet (doubleur de Mario dans les jeux depuis qu’on l’autorise à parler) prête sa voix ! Il y a plein d’exemples de ce genre, et j’en ai probablement raté, n’ayant vu le film qu’une fois. L’histoire est pour sa part d’un classicisme absolu, avec un héros en quête d’identité qui se révèlera face aux épreuves. Il est un peu surprenant d’avoir fait des frères Mario de jeunes adultes qui se cherchent, mais ça ne m’a pas gêné plus que ça.
Les personnages annexes sont également assez respectueux de ce que Nintendo met en place depuis des années : Toad version capitaine chercheur de trésor, Peach en mode femme d’action, Bowser en méchant pas très méchant. On a même le droit a un Cranky Kong assez chafouin, et un Donkey Kong assez bourrin, le royaume des Kong étant rattaché au royaume Champignon depuis plusieurs jeux. L’anecdotique histoire sert surtout de prétexte à la reconstitution assez intelligemment réalisée et toujours vitaminée de jeux populaires : New Super Mario Bros., Super Smash Bros. Brawl ou encore Mario Kart. Le bestiaire est assez complet puisqu’on retrouve même des personnages assez rares ou anciens, comme le roi Bob’omb.
Le classicisme de l’histoire se retrouve dans les thèmes traités et la façon de les aborder, qui réunit tout ce qui fait consensus sur ce type de production en 2023 : amitié, courage, cynisme, autodérision… Il faut bien avouer que, sans être un odieux réac’, le vieux Bob a apprécié pouvoir amener ses enfants voir un film d’animation qui n’essaie pas de rentrer au chausse-pied les derniers délires politiques à la mode et ne sexualise pas ses personnages. La souris capitaliste devenue woke devrait en prendre de la graine. Mais bon, les chiffres d’exploitation se sont chargés de lui faire la leçon ! Quoi qu’il en soit, Super Mario Bros. le Film se contente d’être un divertissement pour toute la famille et évite de se perdre dans des discours politiques fumeux. Il sera probablement assez vite daté – notamment en raison du type d’humour très années 2020 – mais jamais obsolète. Et croyez-moi, réussir à sortir une œuvre culturelle majeure en 2023 sans avoir à se soumettre aux lubies de la gauche nord-américaine, c’est un exploit, d’autant plus que le film a dû essuyer des assauts, comme celle de John Leguizamo, qui incarnait Luigi en 1993, insatisfait que les plombiers nippo-italo-américains ne soient pas doublés par des acteurs latino-américains (archive)… Quand vous lirez cette page en 2033, vous rigolerez un bon coup comme quand je tombe sur une photo de coupe mulet ou de tecktonic, mais sachez qu’en 2023, le tout est à prendre au premier degré !
Une formule efficace, donc, à l’image de la bande-son du film, que l’on doit à Brian Tyler, compositeur dont le nom m’était inconnu mais qui est à l’origine de nombreuses bandes originales « passe-partout » de blockbusters depuis vingt ans. Là encore, quelque chose de très consensuel car Tyler s’est contenté de réorchestrer dans un style cinématographique les thèmes classiques des jeux Mario et DKC, en saupoudrant de classiques de la pop-culture et en liant avec une prestation de Jack Black/Bowser qui restera probablement dans la légende du plombier ! Combiné avec une réalisation technique léchée, vous obtenez un produit efficace. Sans génie, certes, sans intérêt artistique, évidemment, mais distrayant. Et c’est tout ce que j’attendais pour ma part. Attendrais-je l’inévitable suite avec impatience ? Pas vraiment. Irais-je la voir ? Probablement.
Bob Dupneu
P.S.: Pour la rigolade, un petit malin qui a trop de temps libre a recréé la scène du parkour de Mario avec Mario Maker et en a fait la vidéo ci-dessous.
Par ailleurs
Difficile d’évoquer un film consacré à Mario sans évoquer le précédent de 1993. Autant ne pas se mentir, lorsque j’ai vu ce film au cinéma tout gamin, j’ai adoré. Il fait partie des souvenirs d’enfance de nombreux adultes d’aujourd’hui – je pense que les adultes de 1993 ont complétement oublié ce film et n’ont aucun avis à son sujet – et il est globalement considéré comme étant un nanar (archive) de tout premier ordre, à tel point qu’une pétition en ligne a été lancée pour une réédition de qualité en bluray, la réédition effectivement lancée cette année tenant à mon humble avis plus de l’opportunisme commercial que d’autre chose. Je pensais faire un article sur le sujet en début d’année, mais je me suis rendu compte que l’idée était vraiment trop commune, et surtout qu’un site (en anglais) décortique tout ce phénomène depuis des années et a rassemblé à peu près tout ce qu’il est possible de rassembler sur le sujet ! Allez donc faire un tour sur le site http://www.smbmovie.com/ !