Bob a joué à… Helldivers II

Une fois n’est pas coutume, je suis en phase avec mon temps et m’adonne à une jeu qui n’a que quelques mois : Helldivers II. Il faut bien avouer que dans le cas présent, c’est mieux : comme toute proposition multijoueur en ligne, il sera bien difficile de se mettre au niveau dans quelques mois, et il vaut mieux participer lorsque le jeu est encore populaire, au risque de vivre à défaut une expérience de lendemain de fête. Étonnamment, même si je m’éclate comme un gosse en zigouillant du Terminide et de l’Automaton à la chaîne, le jeu serait passé sous mes radars si il n’avait fait l’actualité pour de mauvaises raisons. Mais avant de revenir sur un navrant épisode de sa courte vie, laissez-moi vous expliquer pourquoi Helldivers II, « c’est de la bombe Bébé ! ».

L’enfant caché de Rico et d’une sœur de bataille

Helldivers premier du nom

Suite d’un premier épisode à côté duquel je suis complètement passé – mais qui avait eu des critiques tout à fait correctes en son temps – Helldivers II vous invite à propager la « démocratie contrôlée » un peu partout dans l’univers, en massacrant pour ce faire deux civilisations races extraterrestres : les tyranides arachnides terminides et les nécrons cyborgs Skynet automatons ! Au cours de petites excursions touristiques par escouades de quatre sur des planètes aussi belles que mortelles (désert avec des tornades de feu, planète glacée avec du blizzard ou encore plantes tropicales sont au programme !), vous aurez tout le loisir de provoquer des frappes orbitales, vous faire livrer des lance-flammes et des tourelles automatiques, avant de prendre in extremis une navette d’évacuation pour rentrer dans votre destroyer personnel recouvert des entrailles de vos ennemis. La vie, la vraie !

Helldivers II est donc un TPS coopératif un peu bas du front, mais très bien calibré, riche en options tactiques et surtout, qui fonctionne extrêmement bien. Bob le misanthrope profite de partenaires humains sans avoir besoin de leur parler, ni même de chatter. Cross-platform, Helldivers II doit faire sans casque, micro et clavier et se concentrer sur le jeu pur, sans sociabilisation forcée. Et ça fait du bien ! Les objectifs sont clairs, la difficulté bien dosée commande de travailler en équipe, tout en laissant à chacun une grande liberté de manœuvre. Comme il n’y a pas de classe, personne n’est frustré et chaque joueur peut aider l’escouade selon son propre style : les points gagnés en fin de partie seront de toute façon les mêmes pour tout le monde. C’est bien simple, je n’ai pas pris autant de plaisir sur un jeu coopératif depuis Wolfenstein : Enemy Territory, un jeu bien plus vieux que je ne voudrais l’admettre (mais pour lequel Bethesda a réouvert des serveurs officiels il y a deux ans, preuve que les légendes ne meurent jamais !)

Bien sûr, une mécanique de jeu bien huilée, même si elle est essentielle, ne suffirait pas en elle-même à faire ressortir Helldivers II du lot des TPS coopératifs. Son ambiance donne au jeu une grande part de son attrait : la toile de fond est volontairement 2nd degré, avec une histoire de « Super-Terre » qui fait appel à de la chair à canon des « Super-Citoyens » pour propager son modèle militariste démocratique. Si les développeurs n’ont pas cherché à trop creuser le sujet (et c’est tant mieux), le ton général se veut sarcastique et légèrement critique du culte du super-soldat en vigueur dans les jeux vidéo. L’inspiration principale est dès lors assez évidente, il s’agit de Starship Troopers, un film de Paul Verhoeven (RoboCop, Total Recall ou encore Basic Instinct), sorti en 1997, satire du fascisme et de l’impérialisme américain, trop souvent – y compris lors de sa sortie – pris au premier degré. Helldivers II ne prend pas ce risque de méprise, car la satire y est moins fine; mais aussi plus rigolote !

Que ce soit dans les dialogues, les descriptions de la boutique ou même les ordres de mission, le jeu ne se prend pas vraiment au sérieux. Et c’est tant mieux car un jeu de pan-pan-boum-boum prétentieux et qui n’a qu’un degré de lecture, c’est assez pitoyable et ça parasite même un gameplay très bien fichu. Call of Duty, c’est de toi que je parle ! Ici, que nenni ! Le joueur éviscère dans la joie et la bonne humeur, sans oublier quelques tirs fratricides (et mortels) au passage. Personne ne vous en voudra, dans Helldivers II, ça passe. Ce n’est pas comme looter l’équipement d’un coéquipier dissous dans de la bave d’insecte devant vos yeux ou – pire – faire partir la navette d’évacuation sans attendre ses potos : ça m’a valu quelques expulsions avant que je maîtrise le savoir-jouer propre à Helldivers II !

C’est le genre de blagounette toute pourrie qui faire bien rire le vieux Bob. Bob est un être simple !

L’autre inspiration évidente de Helldivers II est bien sûr Warhammer 40 000 et son bestiaire. Les terminides font autant penser aux arachnides de Starship Troopers (notamment dans leur déplacement et leur démembrement) qu’aux tyranides de 40K. Les automatons sont des sortes de nécrons (même si certaines scènes – notamment lorsque les yeux rouges des robots sont visibles à travers une tempête de feu – évoquent facilement Terminator) et certains modèles sont carrément de la repompe intégrale des productions Citadel pour Games Workshop ! Si les anglais décident de se comporter comme Disney et d’envoyer un commando de baveux frapper à la porte de Sony, il se pourrait bien que le Hulk automaton soit vaporisé…

L’enfant du divorce entre les éditeurs et les joueurs

Au début de ce billet, j’indiquais m’être intéressé à Helldivers II pour de mauvaises raisons. Car si il m’a accroché par son système de jeu simple et calibré, et m’a retenu grâce à son ambiance, j’aurais dû, dans le meilleur des mondes, passer à côté. Dans le meilleur des mondes ? Oui : dans un monde ou les éditeurs du microcosme vidéoludique respectent les joueurs. Ce qui est de moins en moins le cas à mesure que la production vidéoludique continue sa mue en industrie du divertissement qui brasse des milliards.

Déjà, Bob le réac’ n’aime pas trop le concept de « jeu-service », catégorie à laquelle appartient pourtant « Helldivers II ». Le jeu-service (Game as a Service – GaaS) repose sur une idée simple : retenir le joueur le plus longtemps possible sur le jeu, en fournissant sans arrêt du contenu nouveau (souvent purement cosmétique) et user de ce cette captation pour lui faire dépenser de l’argent sur le jeu, même après l’achat initial. Si le contenu est de qualité et gratuit (comme l’organisation des campagnes par un maître du jeu pour Helldivers II – qui sera peut-être remplacé un joueur par une intelligence artificielle), pourquoi pas. Mais payer pour des skins, jamais ! (dit le père Bob qui a bien été obligé de lâcher quelques eurodollars pour que Bob Junior achète des skins Fortnite il y a quelques années…)

Au surplus, ce qui fait fantasmer les éditeurs, c’est le potentiel des jeux-service en matière de publicité ! Avec un public captif et dont les préférences sont faciles à deviner, le bourrage de crâne a de beaux jours devant lui. EA – qui n’est jamais le dernier pour touiller la merde – a déjà de grand projets avec la publicité in-game ! Le problème avec ces fichus joueurs, c’est qu’ils représentent encore un marché trop hétérogène : trop de plateformes (consoles, PC, smartphones), trop de styles différents, trop d’habitudes… trop d’individualités en somme. C’est pourquoi UbiSoft (qui lèche souvent le fond du cul-de-poule utilisé par EA pour préparer ses gâteaux au caca) rêve d’un monde dans lequel les joueurs ne seraient plus propriétaires de leurs jeux. Imaginez : avec un jeu-service « pur » (donc sans achat mais juste un abonnement), nos gentils éditeurs philanthropes échapperaient presque complètement aux griffes du grand méchant droit de la consommation et de tous les avantages indus qu’il offre au consommateur ! Et en contrôlant les jeux auxquels les joueurs ont accès, ils pourraient enfin uniformiser les goûts afin vendre un produit standardisé au moyen d’une seule publicité mondiale ! Le rêve (ou pas…)

Bob évite donc soigneusement les GaaS, et s’accroche vigoureusement à la distribution physique des jeux, qui sont la seule façon de s’assurer d’un droit de propriété complet sur le jeu acheté. Alors pourquoi s’est-il donc laisser happer par un jeu-service obtenu de façon dématérialisée sur Steam ? Mon œil (avisé) est tombé sur Helldivers II en raison du mini-drame survenu entre Sony et les joueurs de Helldivers II. Pour faire simple (car c’est très simple en fait), Sony – qui distribue Helldivers II en cross-platform sur PS5 et PC – a voulu imposer la connexion de tous les joueurs à son réseau de jeu en ligne, le PSN (pour PlayStation Network). Pas de problème pour les joueurs PS5 qui n’ont de toute façon pas le choix si ils veulent jouer en réseau. Sur PC, ce n’est pas la même limonade. Outre une plus grande indépendance d’esprit des joueurs PC par rapport aux acteurs du monde vidéoludique, deux éléments ont généré un rejet massif de la mesure : premièrement, le PSN souffre d’une mauvaise image depuis le vol de millions de coordonnées bancaires lors du PSN Hack de 2011. Ensuite, le PSN est indisponible dans un grand nombre de pays : des joueurs ayant acheté Helldivers II se seraient donc retrouvés dans l’impossibilité d’utiliser le produit après quelques semaines. Et on se demande encore à quoi peut bien servir la copie physique…

Conseillés par un Community Manager transfuge – qui aura perdu son emploi dans l’opération – les « utilisateurs » de Helldivers II ont réclamé en masse le remboursement du jeu et mené un review bombing contre le jeu (250 000 critiques négatives contre le jeu en quelques heures), dont la note globale sur Steam s’est effondrée. Résultat : rétropédalage en règle de Sony, victoire des joueurs et retour de la note initiale sur la page Steam.

Evaluations sur la page Steam de Helldivers II.
Cape avec les mauvaises notes reçues sur Steam.

Victoire des joueurs ? Ce n’est pas le pays des bisounours ici ! Même si l’éditeur nippon affiche une défaite décontractée en façade – plaisantant même sur le fait de créer une cape (élément d’uniforme dans le jeu) reprenant les critiques du jeu reçu sur Steam – il doit se rendre compte que le problème était surtout la méthode employée : quand on veut enculer quelqu’un, il faut fournir la Vaseline avant. Ou alors, il faut avancer en traître avant de mener à bien ses projets. Ainsi, Ghost of Tsushima – dont la sortie est imminente – vient-il d’hériter d’une connexion obligatoire au PSN pour les fonctionnalités en-ligne. Ah, uniquement en-ligne me dites-vous ? Oui, mais cette contrainte a entraîné l’annulation de la sortie du jeu dans près de 180 pays. Belle leçon de démocratie (très) contrôlée !

Alors au final, que tirer de l’expérience Helldivers II ? Du point de vue du joueur, rien d’autre qu’une grosse éclate que je compte poursuivre encore quelques heures avant de voleter ailleurs. Du point de vue du ludophile cependant, c’est moins gloupi-glop. Helldivers II est symptomatique des travers des gros acteurs de l’industrie vidéoludique : la voracité. Sony sort un jeu qui se vend bien, récolte de bonnes critiques et est souvent annoncé comme le jeu de l’année 2024. Il est donc très probablement rentabilisé depuis longtemps et continue à produire de la richesse. Mais ce n’est pas assez pour le nippon qui essaie d’utiliser son produit pour rendre ses consommateurs captifs à travers un énième « service » à l’utilité discutable. Mais « un service qui ne rend pas service n’est pas un service« . Argh ! Le matraquage publicitaire commence déjà à me pourrir la tête !

Bob DUPNEU

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