Jeu vidéo, l’expo

Entrons dans une nouvelle ère culturelle. Voilà le titre complet de l’exposition organisée du 22 Octobre 2013 au 24 août 2014 à la Cité des Sciences et de l’Industrie et dont tous les ludophiles ont probablement entendu parler, sans vraiment savoir de quoi il s’agit. Francilien, je me devait tout de même d’y faire un saut. Dont acte.

L’entrée du jeu vidéo dans le cercle restreint de ce que j’appelle « la culture officielle » – à savoir celle reconnue et soutenue par les pouvoirs publics – est déjà quelque chose d’assez ancien, en France tout du moins. Alors une exposition sur le sujet, parrainée par le Ministère de la Culture et organisée dans un lieu aussi emblématique que la Cité des Sciences n’est plus en soi un évènement. Une initiative plaisante tout au plus. Donc après Museo Games en 2010-2011, Game Story en 2011-2012 (dont je vous avais parlé en son temps), voici venir Jeu Vidéo l’Expo (faisons court) pour la saison 2013-2014 – on notera au passage que la saison 2012-2013 aura été décevante !

Les deux premières expositions partageaient ce que les experts appellent la « dimension patrimoniale », à savoir qu’elle consistaient essentiellement à mettre à la disposition du public de vieux supports et de vieux jeux, auxquels étaient adjoints les panneaux descriptifs d’usage. Dans les deux cas, il y avait certes un effort notable de mise en scène, mais au bout du compte, il s’agissait avant tout – comme dans un musée historique classique – de présenter au public des objets d’autrefois et de s’intéresser essentiellement au passé.

La Cité des Sciences a une autre logique, qui lui est propre. C’est donc tout naturellement que Jeu Vidéo l’Expo présente le jeu vidéo sous un angle scientifique. Attention toutefois : ne vous attendez pas à apprendre les concepts avancés de l’algorithmique vidéoludique ! La Cité des Sciences a une dimension familiale et très grand public. Ses expositions correspondent tout à fait à cette orientation.

Du coup, les amateurs de rétrogaming passeront leur chemin : pas de vieux jeu ici, mais plusieurs « ateliers » proposant une réflexion autour des différents éléments formant un jeu vidéo et qui s’appuient sur des logiciels spécialement développés pour l’exposition, par des studios professionnels. La visite n’a pas d’ordre prédéfini, mais le cheminement suivi doit permettre à terme de comprendre les mécaniques qui font d’un jeu vidéo ce qu’il est.

Les ateliers proposés sont intéressants, mais évidemment cannibalisés par les ordres de mouflets parisiens qui monopolisent les postes sous les yeux admiratifs de leurs parents. Enfin bon, toutes les expositions sur le sujet souffrent des mêmes maux, alors il faut faire avec. Et puis regarder les ateliers est souvent suffisant, car il ne s’agit pas ici de s’éclater avec un gameplay ultra-réglé, mais bien de saisir la logique propre de l’atelier et de comprendre ou veut nous diriger l’exposition. Du coup, bien observer les ateliers suffit dans la plupart des cas. Et si vous êtes vicieux comme moi, vous arriverez bien à profiter de l’obscurité pour coller deux-trois mandales et faire quelques croche-pieds. Gnarf !

En vrac, l’exposition offre une version accélérée d’Evoland qui retrace l’évolution des RPG depuis la 2D monochrome à nos jours, une version modifiée de Shootmania qui se joue dans un globe (à la manière de petites géodes, pour les connaisseurs de la Cité), un jeu de course qui passe du pixel unique à la PS3, un Pong entièrement mécanique, et pas mal d’autres trucs sympas, dont un jeu vidéo qui se joue… sans vidéo (et qui du coup n’est pas monopolisé par les gamins…) !

Il existe enfin plusieurs panneaux d’information et plusieurs vidéos d’interviews de personnalités du milieu, visionnables à loisir. Le tout est enrobé dans un décor qui évoque immanquablement Tron, avec une pointe de pixel art. J’ai simplement regretté que l’exposition soit d’une taille relativement modeste et que le décor fasse un peu léger lorsque l’on regarde dans les coins. Mais bon, je suis tatillon aussi.

Alors, Jeu Video l’Expo entrons dans une nouvelle ère culturelle (ouf !) vaut-elle le déplacement ? Si vous êtes francilien, oui. Mais n’allez pas vous imaginer l’exposition du siècle : assez petite, l’exposition souffre également de son orientation très grand public. Il n’y a rien de vraiment consistant pour un passionné qui s’intéresse un peu à ce média et ne se contente pas d’enchaîner les frags sur CoD ou les PvP sur WoW. Avec un enfant en primaire, l’exposition prend tout son sens, mais il faudra accepter de patienter devant chaque atelier pour qu’il puisse participer, ce qui rend l’expérience moins glamour. Ces défauts rendent l’exposition franchement dispensable pour les provinciaux. Un détour intéressant en cas de passage sur Paris, certes, mais en aucun cas un motif de déplacement…

Vous me trouvez un peu dur ? C’est parce que nous autres ludophiles commençons enfin à pouvoir faire la fine bouche et à sélectionner nos sorties. Après des décennies d’ostracisme, ça fait du bien. Et puis de toute façon, la Cité des Sciences n’en a cure de l’avis d’un vieux gamer poilu, car les joueurs purs et durs et tatoués ne sont pas son cœur de cible. L’exposition a été montée pour et vise les familles et le grand public. Le contenu de l’exposition leur est parfaitement adapté et la fréquentation ne semble pas faire défaut : lors de mon passage, la salle était comble et le site permettant de prolonger l’expérience grâce à un identifiant récupéré sur place était bloqué toute la journée en raison d’un trop grand nombre de connexions !

Bob Dupneu

N.B. : Il est à noter la présence d’une boutique bien fournie en goodies pour geeks, qui propose aussi trois ouvrages exclusifs à l’exposition : le catalogue – qui reprend les principaux éléments de l’exposition, un livre pour les enfants et surtout un gros pavé intitulé « La Fabrique des Jeux Vidéo » qui reprend le thème de l’exposition – qu’est ce qui constitue un jeu vidéo ? – mais le développe de façon un peu plus velue. Le temps de le lire en détail, de me faire une idée, et je vous dirai si il vaut ses 35€.

A noter également l’organisation d’événements en marge de l’exposition, dont des rencontres avec des grands noms du milieu. Un déplacement valable pour les passionnés qui ont le temps !

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