Game Story : Veni, Vidi, Amavi

Déjà évoquée à plusieurs reprises sur ce site, l’exposition Game Story rencontre un succès certain – et presque étonnant – au Grand Palais. Après deux tentatives avortées (pour cause d’attente excessive… Achetez vos billets avant de venir !), j’ai enfin pu parcourir cet espace dédié au rétrogaming mis en place par l’association MO5.COM avec le soutien de la Réunion des Musées Nationaux et du Musée Guimet (l’annonce officielle évoque « une exposition organisée par la Réunion des Musées Nationaux et le Grand Palais, avec la participation du Musée Guimet et de l’association MO5.COM » ou un truc du genre, mais en membre discipliné de ladite association, je me devais de faire un peu de propagande 😉 ). Ayant apporté ma modeste contribution à la création de cet événement, je ne peux malheureusement pas me targuer d’un avis très objectif… Malgré tout, je vais essayer de vous expliquer pourquoi Game Story, c’est de la balle!

Il convient de préciser quelque peu l’objet de cette exposition, qui est de présenter le jeu vidéo dans son ensemble en tant qu’élément majeur de la culture populaire contemporaine, et non comme simple divertissement. Comme le rappelle le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand dans le catalogue de l’exposition, le jeu vidéo est un produit culturel de masse à mi-chemin entre l’art et l’industrie, et dans lequel la France excelle depuis les origines. Cependant, et conformément à la profession de foi de l’association MO5.COM, le jeu vidéo est vide de sens s’il n’est pas jouable : les oeuvres – car c’est bien de cela qu’il s’agit – présentées sont donc pour la plupart mise à disposition du public, qui, manette en main, peut s’essayer à quelques classiques (80 postes jouables) connus de tous. Game Story vise en réalité à montrer en quoi les jeux vidéos sont désormais indissociables de la culture mondiale, tour à tour inspirés et inspirateurs d’autres domaines comme le graphisme, la musique ou encore le cinéma.

Le musée des arts asiatiques (Musée Guimet) intervient à ce titre afin de mettre en évidence les liens existants entre les créations vidéoludiques japonaises et la culture traditionnelle et contemporaine du pays du Soleil Levant. Il est toutefois regrettable que la contribution ainsi apportée ne soit pas plus mise en avant dans l’exposition elle-même : il faut en effet parcourir l’excellent catalogue de Game Story pour véritablement tirer quelque enseignement dans le domaine. C’est d’ailleurs la principale critique négative que j’émettrai à propos de l’exposition : l’aspect culturel paraît un peu en retrait comparé aux aspects ludiques et graphiques, et il faut véritablement faire l’acquisition de ce pavé de 35€ pour se rendre compte du travail intellectuel produit autour de cette exposition. Game Story ne vous coûtera donc pas 8€ mais bien 43€ si vous souhaitez en profiter au maximum, ainsi que quelques heures à parcourir tranquillement le catalogue sur lequel je reviendrai si tant est que la RMN le propose à la vente sur son site à l’issue de l’exposition.

Pour le reste, Game Story est globalement une réussite : la scénographie est maîtrisée, assez sobre et classe sans pour autant oublier une coloration et une vivacité propres au monde du jeu vidéo. Le visiteur est invité à parcourir plusieurs espaces dédiés aux grandes périodes vidéoludiques, avec dans chacun d’entre eux des postes jouables et des vitrines présentant divers objets – cartouches de jeu, accessoires, publicités, magazines… – d’époque. Plusieurs bornes d’arcade (dont une table cocktail, un Space Invaders ou encore Crazy Taxi) sont disséminées ça et là, et quelques écrans diffusent en boucle des vidéos qui illustrent les rapports entre le jeu vidéo et les autres médias (comme par exemple une scène du film Stalingrad proposée juste à côté d’un Medal of Honor – ou d’un CoD, je ne sais plus :p ).

Les postes jouables permettent de voir le support utilisé, ainsi que la boîte du jeu et bien souvent sa notice, et sont en libre accès, le bon fonctionnement de l’exposition dépendant du savoir-vivre des visiteurs qui, exceptés les Kévins scotchés sur Counter-Strike et autres FPS, évitent de monopoliser les commandes. L’aspect culturel de Game Story semble à ce titre avoir été compris par le public, qui s’attarde sur les panneaux explicatifs et respecte le matériel, l’exposition ne souffrant au final que d’assez peu de casse. Il y a évidemment quelques parents incurables qui font tapisserie en attendant que la descendance se soit défoulée une ou deux heures pour moins de dix euros, mais dans l’ensemble la magie opère et les parties s’enchaînent pour tout le monde, notamment sur les jeux multijoueurs proposés comme Super Mario Kart!

Les jeux justement. Pour le rétrogamer confirmé, rien d’exceptionnel, la sélection faisant dans le très classique (Mario, Sonic, Rayman, Turrican, Gran Turismo, Halo, Doom ou encore Monkey Island, pour ne citer qu’un dixième de l’offre !). Il est néanmoins toujours plaisant de refaire ses gammes sur le matériel d’origine (ou douloureux : essayez Turrican II avec un joystick de l’époque, pour voir !), tandis que les néophytes trouveront un intérêt certain à s’essayer à la crème vidéoludique dont il ne connaissent parfois que le nom (et encore, pas toujours!). Certes, tous les grands classiques ne sont pas présents, mais globalement l’exposition permet une vue d’ensemble de l’évolution du jeu vidéo, tant du point de vue technique que ludique.

Que dire en conclusion de Game Story? Pour les purs et durs, les vieux briscards tatoués du jeu vidéo, l’exposition est une énorme madeleine de Proust; les rabat-joie n’y verront peut-être qu’une succession de titres connus et sans grand intérêt, une vulgarisation insupportable de leur hobby. Pour les autres, le doux parfum nostalgique ne sera rien en comparaison de la fierté et du sentiment de victoire ressentis en constatant qu’une partie de Pong géante est jouée sur la nef du Grand Palais; un truc du genre « Ca y est, l’ostracisme a pris fin ! ». Mais quid des autres, les joueurs occasionnels et les enfants, qui forment le gros des troupes? Comme je l’ai écrit plus haut, ils passeront probablement à côté de la dimension culturelle de Game Story, la faute à un catalogue au prix prohibitif (mais justifié au vu de l’épaisseur et de la qualité de l’ouvrage) et à la prépondérance, notamment scénique, de l’aspect ludique. Mais est-ce vraiment un mal? Le jeu vidéo est avant tout un loisir; son accession à la reconnaissance culturelle ne doit pas faire oublier le principal : le jeu vidéo est un divertissement, ce que Game Story rappelle avec brio!

Bob Dupneu

Ci-après une vidéo montée à l’arrach’ de l’événement. Je ne suis ni photographe, ni caméraman, aussi pardonnez l’amateurisme de la chose 😉
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3 comments

  1. Merci pour cette petite visite virtuelle ! 🙂
    Par contre, « AAARRGHHHHH », j’ai raté la réservation de mes places à l’avance… Je monte ce week end à Paris pour aller entre autres à l’expo (et voir Torment accessoirement 😉 )… Tu penses qu’il y a un horaire à privilégier, sachant que ça sera soit samedi après midi, soit dimanche matin?
    A propos, la musique de la vidéo, c’est bien Double Dragon II non? Qu’est ce que j’ai passé comme temps sur ce jeu!

  2. Dommage pour la réservation, car tout est plein pour le W-E prochain.
    Il faut savoir que les entrées se font toutes les demi-heures : d’abord ceux qui ont un billet, puis les autres, dans la limite de 120 personnes environ en même temps, en comptant ceux déjà présents à l’intérieur. Le mieux serait donc de venir dimanche à l’ouverture, car comme personne n’est à l’intérieur, 120 personnes passent théoriquement d’un seul coup…

    Pour la vidéo, c’est gagné! Le son étant un peu pourri (et sans intérêt), j’ai préféré le remplacer par un truc un peu rétro. Et comme j’ai converti récemment un bon paquet de musiques NES, DD II m’a paru approprié. Mon premier jeu NES!

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