Et j’ai bien aimé, même si j’aurais préféré pouvoir l’aimer plus ! L’idée – empruntée à un court-métrage français – est en effet très séduisante pour tout passionné de jeux qui se respecte : faire entrer des grands classiques du jeu vidéo dans le monde réel. Un cocktail plein de promesses, au moins d’un point de vue visuel.
Et – ouf ! – ce pari-là est gagné : les effets spéciaux du film Pixels sont sans faille, et le résultat est coloré et visuellement agréable. C’est un plaisir de voir Frogger, Mario et autre Q*Bert se mouvoir à côté d’acteurs réels.
Le scénario verse dans le grand portenawak, mais ce n’est pas bien grave; pour faire simple, un groupe de no-life doit faire face à une invasion extraterrestre prenant successivement la forme de Galaga, Arkanoid, Centipede, Pac-Man et Donkey-Kong, plus quelques supplétif comme le précité Q*Bert qui obtient même un rôle parlé ! Pour combattre cette menace, la grande-et-plus-forte-du-monde-armée-américaine a heureusement la solution, sous forme de canons lasers développés en urgence. Et, oui, le héros embrasse la belle à la fin du film… Pixels fait preuve d’une grande maîtrise technique, et est rempli d’Easter Eggs pour geek(ette)s poilu(e)s. Malheureusement, il est un peu plombé par un jeu d’acteurs aussi dynamique que celui d’une moule sous Valium. Le personnage incarnée par Peter Dinklage – Tyrion dans le Trône de Fer – apporte une petite touche rafraîchissante, mais étant donné que le personnage principal est incarné par Adam Sandler, AKA « Ben Stiller de Leader Price », il est évident que la qualité d’interprétation ainsi que le rythme général ne sont pas au niveau.
Du coup, le film déroule sa galerie de personnages vus et revus, poncifs fades de la comédie américaine, dans une tentative de donner une suite spirituelle à S.O.S. Fantômes, mais sans Bill Murray ou Dan Aykroyd (qui fait quand même un petit caméo au début du film). Et comme le scénario est à l’avenant…
Pas de malentendu cependant : j’ai apprécié le film. J’ai aimé son audace graphique, quelques scènes bien ficelées, ses clins d’œil et ses répliques pour nous les geeks/nerds/ludophiles (rayer les mentions inutiles). Comme en plus le créateur de Pac-Man est invité à la fête pour une scène totalement loufoque, on peut dire que le spectateur est respecté.
Ce qui est un peu dommage, c’est que Chris Columbus, réalisateur aujourd’hui connu pour Harry Potter mais qui a plusieurs œuvres plus respectables sur son C.V., tente de réunir geeks et grand public autour d’un même film. Exercice périlleux et malheureusement raté.
Raté car le grand public passera à côté de la plupart des références geekestes et donc des traits d’humour du film : autant dire que sans ces références, Pixels n’est qu’un film familial comme tant d’autres, et sans grand intérêt. Pour cette catégorie, la promotion faite sur Internet avec un vrai-faux jeu classique, et même un site de fan, sera même incompréhensible et sans intérêt.
Raté également du côté des geeks/nerds/otakus/no-lifes, car ces derniers ne manqueront pas de faire l’exégèse du film et de relever ses erreurs factuelles, quitte à le dézinguer, notamment sur Internet ou le film reçoit des notes très basses, sans véritable rapport avec sa qualité globale. Pour certains, il est inacceptable de voir Arkanoid ou Tetris dans un film censé ne représenter que des jeux sortis en 1982, d’autre s’offusquent tout simplement que leur microcosme soit repris et réutilisé pour réaliser un film grand public.
Sauf renaissance imprévue lors de sa sortie en Bluray et VOD, Pixels risque de devenir un film maudit : malgré ses qualités réelles, et la volonté de bien faire et de respecter les licences empruntées, il ne restera pas dans l’esprit de Monsieur et Madame Tout-le-Monde, car sans compréhension de son référentiel, il n’est qu’un film familial sorti sans grande promotion préalable entre les Minions et Terminator. Pour les geeks extrémistes – et ils sont légions – critiquer le film et le démolir deviendra une obligation, pas tant pour ses petites erreurs, son scénario indigent et son interprétation quelconque que pour ce qu’il représente : la vulgarisation de ce qui était il y a quelques années encore un monde fermé et perçu comme élitiste par ses membres.
Bob Dupneu