La presse vidéoludique (n') est (pas) morte…

Ceux qui – comme moi – sont restés fidèles à la presse vidéoludique papier auront probablement remarqué que de nombreux magazines ont désertés nos kiosques depuis deux mois. En cause : la liquidation judiciaire de M.E.R. 7, dernière mutation en date de la société qui fut également connue sous les noms Yellow Media ou Future Presse, accusée en son temps d’avoir détruit l’esprit de la presse vidéoludique française. Quelles que soient les raisons de cette liquidation, cette situation entraîne un bouleversement de la scène éditoriale de notre microcosme, qu’Alphajet interprète de façon assez pessimiste sur son blog.

Pour ma part, je regrette amèrement la disparition de Consoles +, le dernier survivant du trio magique des années 90 qu’il formait avec Player One et Joypad. De plus, le magazine meurt salement, disparaissant brutalement, sans même avoir eu le temps de nous offrir un dernier numéro… Encore plus que Joypad que je regrettais déjà il y a un peu plus d’un an, Consoles + était le magazine de mon enfance et de mon adolescence. Je me rappelle avec émotion des numéros estivaux spécial « Guerre des consoles », de l’équipe des origines (AHL, Switch, Le Panda, Gia, Niiico – à moins que ce soit Niiiiico…) et de quelques numéros d’anthologie… Malgré une sévère perte de qualité depuis une bonne dizaine d’année, je continuais d’acheter le magazine de façon assez régulière, et la nouvelle formule proposée peu après la disparition de Joypad semblait être un pas vers des jours meilleurs. Mais avec des chiffres de vente en chute libre, il était difficile d’imaginer un autre destin pour le magazine, qui n’a jamais su prendre le virage Internet.

Pour la presse vidéoludique française, la disparition de M.E.R. 7 est un véritable carnage : désormais, trois ou quatre magazines se battent en duel (ce qui doit faire du bien à leurs chiffres de vente, soit dit en passant), alors qu’à la fin des années 90, les kiosques français étaient très bien fournis, avec souvent près d’une vingtaine de références et des numéros spéciaux en pagaille. Seul rescapé du massacre : Jeux Video Magazine, seule publication du pack M.E.R. 7 véritablement rentable. Après deux mois de désertion, le magazine retrouve en effet le chemin des débitants de presse, avec un nouveau numéro dont je n’ai pas encore eu l’occasion de prendre connaissance.

Il est intéressant de noter que Jeux Vidéo Magazine n’a pas été racheté : il est édité par une société spécialement créée pour l’occasion, LINK DIGITAL SPIRIT, immatriculée au RCS (cad officiellement créée) mercredi dernier (ça c’est de l’actualité fraîche !). Depuis plusieurs années – et la prise de pouvoir de Future Presse aka Yellow Media aka M.E.R. 7 – la critique récurrente faite à la presse vidéoludique était un manque de liberté des rédactions, cantonnées à un rôle de sous-attachées de presse payées pour combler les vides entre deux publicités. Les revues encore en lice ressemblaient en effet fortement à de simples copier-coller des dossiers de presse distribués aux « journalistes » entre deux coupes de champagne lors des soirée de promotion des nouveaux jeux AAA, complétées par les captures d’écran fournies par les éditeurs et parsemées de tests réalisés sous contrôle, le tout baignant dans un manque flagrant de personnalité rendant la lecture des articles barbante à souhait.

L’initiative à l’origine du sauvetage de Jeux Vidéo Magazine peut donc laisser espérer une réorientation de la ligne éditoriale… ou pas. Car il pourrait s’avérer risquer de modifier une formule qui est économiquement viable depuis plusieurs années. Wait & see, donc…

En parallèle du naufrage évoqué – et puisque la nature a horreur du vide – il est à noter l’apparition d’un petit nouveau : VIDEO GAMER, qui partage avec le Jeux Vidéo Magazine nouveau la particularité d’être édité par une structure ad hoc : Nickel Media, immatriculée mi-décembre, juste avant la sortie du premier numéro. Autres ressemblances avec le survivant : un prix raisonnable (3,50€) et une orientation grand public, sans grande prise de risques (test des jeux qu’on retrouvera au supermarché du coin – et non du dernier RPG slovaque au tour par tour, dossier portant sur le jeu sur tablettes, section smartphone… je sens que c’est le genre de magazine qui nous sortira son comparatif FIFA/PES l’automne prochain !). En fait, en lisant VIDEO GAMER, j’ai presque eu l’impression de lire Jeux Vidéo Magazine. Pas vraiment étonnant : on crée ce qui se vend !

Deux magazines très grand public pour représenter la presse vidéoludique, ça ne fait pas beaucoup. Mais ça ne change pas grand-chose au final, tant les disparus étaient devenus transparents (ce qui ne veut pas dire que nos duellistes soient extraordinaires, loin s’en faut). On peut heureusement encore compter sur IG Mag et Canard PC (et son « supplément » CONSOLE MAGAZINE), soit deux magazines à forte personnalité, sérieuse pour le premier et sérieusement agitée pour le deuxième. Deux magazines sans concession et fidèles à leur ligne de conduite également, ce qui explique probablement la progression constante de leurs chiffres de vente. Et vous savez la meilleure? IG Mag est édité par Ankama, un « petit » groupe indépendant, et Canard PC par une structure qui lui est dédiée : c’est au final l’indépendance de ces deux magazines – et donc de leur rédaction – qui permet un contenu de qualité et des chiffres de vente satisfaisant. Il est donc permis d’espérer un bel avenir pour Jeux Vidéo Magazine et VIDEO GAMER, qui empruntent la même voie.

Car ne vous y trompez pas : la presse papier ne va pas mourir comme certains le prévoient. Elle va subir des transformations, mais elle peut tout à fait cohabiter avec Internet, à condition de s’adapter. D’ailleurs, les quatre magazines évoqués jouent sur les deux tableaux, avec un blog assez actif pour JVM et des versions « tablette » pour les trois autres. Notons que la version dématérialisée de VIDEO GAMER est proposée par le site Relay.com… Tiens, tiens… la plus grande chaîne de distribution de presse papier en France (enfin, je crois :P) qui propose des publications numériques. Intéressant.

Une chose est sûre toutefois : même si le support papier disparaît un jour, il y aura toujours un public pour le contenu proposé par la presse dite papier, à savoir une revue matériellement organisée, proposant un contenu défini, des articles de fond et des enquêtes, ainsi qu’une personnalité unique. Et même si la presse papier se dématérialise, il y aura toujours un public pour ce que proposent les sites Internet et blogs d’actualité : information immédiate, interactivité et outils de recherche.

Quoiqu’il en soit, bonne chance aux nouveaux arrivants, et merci à Consoles + pour les bons moments passés ensembles !

Bob Dupneu

4 comments

  1. Content de te relire 🙂
    Je suis d’accord avec toi pour affirmer qu’une société indépendante pour la rédaction d’un magazine ne peut pas faire de mal. Bien au contraire, c’est une bouffée d’air frais si leurs membres en font bon usage.

    Reste à savoir s’il vont concrétiser cette bonne volonté avec, comme tu le dis, un contenu de qualité, des articles de fond et une personnalité marquée.

    Concernant Video Gamer, je suis assez réservé pour le moment, le premier numéro me laisse une impression de déjà vu, que ce soit dans le maquettage ou le contenu. Reste à savoir s’ils sauront évoluer vers quelque chose de plus percutant dans les mois à venir.

  2. Depuis la rédaction du billet, j’ai acheté le JVM nouveau… Qui ne l’est pas vraiment! Mais l confirme au moins la mort de C+, puisque le dernier rédacteur en chef du magazine est désormais rédacteur chez JVM. De même, JVM fait de la pub gratuite pour le site monté par les anciens de Joystick…
    Reste à voir si d’autres magazines vont tenter leur chance dans les mois à venir !

  3. Heu, IG est de très loin le magazine le moins indépendant des quatre. Canard PC appartient (en majorité) à ses journalistes, JVM et Video Gamer a leurs (minuscules) groupes de presse respectifs, tandis qu’IG appartient à Ankama, une société d’édition de jeu vidéo qui fait 40 millions de chiffre d’affaire par an… L’équipe d’IG a bien du mérite (et probablement les mains libres), mais je ne vois pas trop comment on peut d’un côté critiquer les mags MER7 parce que 5% des pages étaient des pages de pub payées par les éditeurs (et encore, faut s’estimer heureux : dans les années 90, les magazines avaient plus de 30% de pages de pub), quand, de l’autre côté, IG est à 100% payé par un éditeur…

  4. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ton analyse : certes, IG Mag appartient à Ankama, mais Ankama n’est pas vraiment un éditeur de jeux vidéos. En effet, à part Dofus et Wakfu, il n’édite quasiment rien. Et même ces deux licences restent assez confidentielles. Jusqu’au jour ou IG fera un test de Dofus…
    Mais ce qui pour moi est un gage d’indépendance, c’est l’indépendance financière. Vu le prix d’IG Mag et le peu de pub que le mag contient (même si le principe initial n’est plus respecté), j’ai assez confiance. Plus que dans JVM ou Video Gamer en tout cas.
    Concernant les magazines des années 90, il est sûr que les pages étaient remplies de pub, mais l’industrie était moins riche et organisée qu’aujourd’hui. Si tu es de cette époque, tu te souviens sûrement qu’il y avait pas mal de pubs pour le magasin du coin, pour le dernier film à destination des djeun’z ou encore pour 36 15 Jeu Erotique (Génération 4 me manque !)… Du coup, le financement n’était pas lié aux gros éditeurs comme il l’est aujourd’hui. Probablement aussi car les journalistes de l’époque étaient majoritairement des pigistes, moins bien payés qu’aujourd’hui.
    Ceci dit, je n’ai pas d’action chez IG Mag ou Canard PC. Si tu as connaissance d’éléments qui pourraient remettre en question leur indépendance, ça m’intéresse : je n’aimerais pas me tromper et persévérer!

Leave a Reply

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.